Il y a des périodes comme ça où tu ne peux pas te proclamer heureux, ni malheureux, mais juste incroyablement pommé. Aujourd’hui, je devais sortir et mon meilleur ami Léo avait été très vite ok pour un déjeuner : rien de mieux! Je pris la voiture vers 12h45 après avoir avancé sur l’écriture de mon nouveau bouquin. J’étais vraiment pas loin. Je ne risquais pas d’avoir du retard. Je me gare alors. Je remet le col de ma veste et ajuste mon écharpe. Je me dirige vers la devanture du restaurant. Je me poste alors devant, sur le côté afin de pouvoir patienter jusqu’à l’arrivée de mon ami.    

Déjeuner entre nous. Histoire de partager nos déboires, nos errances. Et celles-ci semblent diablement féminines. Pilier de mon histoire, on avait tout partagé ensemble. Les joies comme les malchances. Tu restais cette constante. Une belle amitié née d’une rencontre professionnelle. Je laisse quelques consignes à mon assistante avant de reprendre le volant de ma berline. Arrivé au lieu de notre rendez-vous, je t’aperçois au devant de l’établissement. « Salut vieux. Je vois de quoi tu voulais parler, tu as une tête à faire peur… je t’avais pas vu aussi fripé depuis cette histoire avec la blonde, comment s’appelait-elle déjà ? » Ironie qui vient teinter mes traits, alors que j’ouvre la porte du restau pour qu’on aille déjeuner.

Quelques minutes plus tard, mon ami vient à ma rencontre. Fin sourire qui arbore mon visage, il se montre directement jovial à l’idée de me voir, mais ironise sur ma mauvaise mine. J’ai une mine fatigue, certes, par la peine de cœur, mais bon, faut pas pousser ! Je tente un petit rire assez simple alors que je le suis à l’intérieur du restaurant où je suis déjà allé quelques fois. C’est d’ailleurs à cet endroit que j’ai échangé quelques regards avec la jolie serveuse. Je l’ai revu après ensuite, mais j’imagine qu’elle ne sera pas présente : moins de stresse ! On nous installe rapidement. J’enlève ma veste que je pose sur ma chaise et je m’assois alors face à mon ami. Bon alors comment tu vas ? Question simple, mais efficace pour éviter de tomber direct dans la déprime et les mauvaises explications. Je comptais bien sûr évoquer aussi l’arrivée d’une de mes exos conquêtes qu’ils semblaient connaître car elle est avocate.

Je souris davantage voyant que ma remarque t’agace. Tu peux toujours compter sur moi pour ironiser sur ton sort. On ne va pas s’apitoyer non plus. « si tu le dis. » Et nous entrons dans le restaurant, prenant place. Je regarde distraitement cette carte que je connais pourtant par cœur. « J’ai connu mieux, mais pire aussi pour être honnête. » Tu sais que des drames, j’en ai traversé mais je t’avais confié les quelques tourments que je connaissais ces derniers temps.  « C’est la merde avec Nico. Jane va de plus en plus vers l’adolescence et on a une nouvelle associée. » De quoi donner de l’animation. « Et toi ? » T’étais pas en meilleur état alors normal que je m’en préoccupe.

A présent, face à face, deux hommes un peu dépités par leur actualité de vie. On était enfin posé à table et si on regardait sans conviction la carte, on était aussi dans les petites conversations basiques, mais bientôt, il serait question de déballage, de mauvaises ondes. Il était certain que Léo n'était pas dupe concernant mon état. Je grimaçais. Je ne savais donc plus faire mine que tout allait bien ? Ah je n'ai jamais su devant ma noyau de proches. Mon ami n'allait pas mieux non plus. ça n'allait pas fort en tout cas. Je posais la carte connaissant bien trop le choix et préoccupé par l'état de mon ami. C'est vrai que ça fait beaucoup de choses à gérer quoi. Dis-je un peu choqué que tout tombe d'un coup pour lui. Oh et cette associé ne se nommerait pas Lee de son prénom ? Dis-je avec un petit ricanement. Bien sur, il ne manqua de me questionner et je me mordais la lèvre, anxieux. J'avais toujours du mal à causer, moins avec lui, avec Rylan, mais tout de même. J'avais évolué malgré tout au fil des années. Écoute, je fais aller, mais c'est pas simple. Je marque une pause. J'ai jamais cru en l'amour et pourtant, il frappe d'un coup à ma porte. Tout est allé trop vite et je me suis fait prendre alors que j'ai toujours refusé, voir tout fait pour... donc là, je morfle un peu surtout que je suis pas sage, elle me laisse pas tranquille et je suis pas dans le refus du tout, vieux... dis-je un peu dépité.

Ce n’était pas la catastrophe mais disons qu’on connaissait pas mal de rebondissements dernièrement. Je viens te parler de cette nouvelle associée et mon regard te scrute un instant. « Oui Lee Burrows, tu la connais ? » Après tout, le monde est petit et tu fais peut-être partie de ces proches dont elle m’a parlé sans que je ne l’ai jamais su. Puis tu viens me parler de cette aventure avec une certaine Autumn. « Mais c’est une bonne nouvelle non ? Toute façon l’amour est ainsi, il tombe dessus sans prévenir, alors autant l’accepter ? » On était loin de nos jeunesses un peu fougueuses, le cœur désormais bordé d’envies plus matures. « Elle ne veut pas se poser ? » J’essaie de trouver l’épine du problème.

Mon ami évoque tout de suite le nom de la nouvelle associée. Il est bien sur intéressé de savoir pourquoi je la connais. Je ris doucement. Disons qu'il y a quelques années, elle ne me défendait pas à la barre, mais plutôt dans mon lit ! Petit trait d'humour, je ne détaillais pas plus, trouvant mes explications amplement suffisantes. Mais il fut aussi le temps de parler d'Autumn, de ce moment un peu dur à passer, moi, qui n'avait jamais connu une relation qui va plus loin que du cul et du bon temps. Je le laissais me questionner. J'essayais de réfléchir à comment expliquer les choses sans m'y perdre ayant un peu du mal à la suivre parfois. J'avais du mal à suivre, car c'&était tout aussi neuf pour moi que pour elle : l'amour ? Quand il essaie d'avancer son interrogatoire, je me montre pommé. Bah ouais à la base j'avais jamais ressenti ça et je pensais que ce serait un énième coup régulier rien de plus... débutais-je confus. Puis en fait, très vite, j'ai vu que c'était plus et puis en quelques sortes, elle aussi.. on n'a mit un mot et ça a un peu tout gâché parce que elle sait encore moins gérer les relations où il y a un statut, tu vois ? Je grimace. La serveuse arrive alors pour notre commande. Je lui indique que je veux la même chose que d'habitude.

Ce monde est petit et je ne suis pas vraiment étonné de la nature du lien qui t’a uni avec cette Lee. Je soupire levant les yeux au ciel. « Tu es incorrigible. » Un sourire moqueur éclaire tout de même mes traits. « Mais je te comprends c’est une belle femme. » Gueule d’ange, caractère redoutable. Du genre qu’on affectionne. Une femme magnétique. Tu m’expliques le souci avec cette Autumn, ta nouvelle conquête. Je t’écoute attentif, alors qu’ensuite la serveuse vient prendre commande. Je prends le poisson et les légumes et la Demoiselle dispose. « Y’a-t-il vraiment besoin d’une étiquette ? Tu as peur de quoi Emrys ? » Parce que si tu as peur de souffrir, à partir du moment où tu as des sentiments, ce sera déjà fait.

Moment confessions entre amis activé ! Je suis incorrigible et je galère à me confesser pourtant on est dans le max, parce qu'il est mon meilleur ami donc clairement, c'est plus simple dans ce cas. Taquin, Léo me complimente presque trop à mes yeux. Incorrigible ? Oui, c'est vrai que personne n'a le droit de me corriger quoique c'était dans la fougue de la jeunesse ça. Je souris presque timidement. Quand il parle de la belle Lee, je souris plus franchement et je reprend : C'est un avion de chasse cette fille ! Je me marre. Appelons un chat, un chat, non ? Nous commandons bientôt et quand la serveuse repart, mon ami réagit instinctivement à mes paroles concernant la belle Autumn. Mon Autumn. Elle, impossible de la qualifier : Avion de chasse ? Pire. Combinaison parfaite ! J'en aurais pas eu besoin d'étiquette, mais on n'en a mit une tu vois et maintenant reculer, c'est pas facile, pas flatteur... Je perd mon sourire franc, moue nostalgique, attristé. J'ai peur de souffrir quand elle ira voir ailleurs j'imagine... j'suis conscients que du coup elle me doit plus fidélité et j'ai peur qu'elle ne me le cache pas tu sais... souffrir, d'habitude, j'suis détaché et j'm'en fou, mais elle, j'y tiens. Je grimace et lève légèrement les épaules.